Ciao amore ciao

Publié le par LChe


Avec ses paillettes, ses plumes, ses hanches ondulantes et son corps de déesse, Dalida avait les atouts de la femme fatale. Mais malmenée par la vie, pleine de deuils, de souffrances et de morts à répétitions, Dalida met fin à la tragédie qui la poursuit en accomplissant le dernier acte. Dans la nuit du 2 au 3 mai 1987, elle laisse un dernier message, se coiffe, se couche dans son lit et éteint les lumières dans un demi-sommeil médicamenteux. Celle qui voulait mourir sur scène n’a laissé que quelques mots : « Pardonnez-moi, la vie m’est insupportable», avant de s’endormir pour toujours.


Yolanda Gigliotti, alias Dalida, naît au Caire, le 17 janvier 1933. Sa famille, d’origine italienne, a émigré en Egypte. Son père est dans la musique et pratique le violon à l’Opéra. Quant à sa mère, elle s’occupe de ses trois enfants et tient sa maison dans le quartier de Choubra où Arabes et Occidentaux cohabitent harmonieusement. Tout pourrait être parfait, mais la petite Yolanda souffre des séquelles d’une infection ophtalmique contractée à seulement quelques mois. A quatre ans, une intervention tente, pour la seconde fois, de redresser son œil. Mais, malgré l’opération, le strabisme demeure et la petite fille doit porter des lunettes. Son strabisme la complexe. A treize ans, coquette, elle envoie valser ses carreaux par la fenêtre et voit un monde plus flou, mais plus beau, où son regard est épargné par celui des autres. Elle récupère des verres et n’entame pas son énergie. Libérée des cours de son école catholique, tenue par des religieuses, elle se promène avec ses amis. Dans le cadre scolaire, elle s’initie à la comédie et dévoile ses talents d'actrice.

Adolescente, elle voit son futur dans le secrétariat. Mais une nouvelle opération va changer ses projets pour son destin. Avec son nouveau regard, les gens la perçoivent différemment. Grande, avec des courbes désirables, ses yeux ne sont plus un obstacle à l’envie des hommes ou à la jalousie des femmes. La jeune fille se présente à un concours de beauté. La « Miss Ondine », élue en cachette de ses parents, apparaît en maillot de bain. Les photos font scandale dans la famille, mais le calme revient. Pourtant, il ne s’agit pas d’un moment d’égarement. Yolanda récidive en s’inscrivant à l’élection de  Miss Egypte 1954. Elue à sa plus grande surprise, Dalida, fascinée par les actrices américaines, peut rêver de cinéma.

La brune à l’œil de braise et à la poitrine en avant débute, l’année de son sacre, devant la caméra dans Un verre et une cigarette, film égyptien. Ensuite, elle tourne dans Le masque de Toutankhamon. Le metteur en scène, français, frappé par le timbre de voix de l’actrice qui chante entre chaque prise, lui conseille de partir tenter sa chance à Paris. Le 25 décembre 1954, Dalida s’éloigne alors de ses pyramides pour rejoindre la Tour Eiffel. Noël est pour l’artiste pleine de rêves une renaissance.

Mais la nouvelle vie de Dalida dans la capitale parisienne n’est pas tout de suite glorieuse. En plein hiver, dans la ville froide, l’étrangère est seule et a peu de moyens. Les temps sont durs, mais la fille du Caire est déterminée. Elle prend des cours de chant, malgré ses faibles ressources, et rôde de studios en auditions. La rengaine est unanime et connue : « Patientez, on vous écrira… ». Envoyée par son professeur dans un cabaret, Dalida chante devant un public. Ses scènes l’amènent jusqu’à l’invitation de Bruno Coquatrix. Celui qui vient de racheter un vieux cinéma parisien anime une émission de variété sur Europe 1 et veut voir Dalida dans Les numéros 1 de demain. L’Egyptienne chante un titre aux airs prémonitoires : Etrangère au Paradis. Eddy Barclay, éditeur de disques, et Lucien Morisse n’arrivent pas à se décider à aller assister au spectacle. Le sort de Dalida dépend alors d’un coup de dés, d’une partie de 421. Le jeu mène Eddy Barclay et Lucien Morisse devant les nouveaux talents. Impressionnés par Dalida, Coquatrix et le duo décident de s’occuper de la carrière de la belle.

Dès son deuxième 45 tours, Bambino, Dalida connaît le triomphe. Grâce à Lucien Morisse, le titre labellisé Barclay, est matraqué toute la journée sur les ondes d’Europe 1. 1956 est alors l’année où Dalida devient Mademoiselle Bambino pour le public. Cette année-là, elle foule les planches de l’Olympia. En 57, son disque est récompensé par l’or et l’enthousiasme des foules.

La jeune chanteuse, qui apparaît en couverture des magazines, doit beaucoup à Lucien Morisse. Le directeur artistique d’Europe 1 devient un pygmalion au sens plein du terme. Malgré son mariage, il entame une idylle avec Dalida. En 1957, Dalida enregistre Gondolier et reçoit l’Oscar de Radio Monte-Carlo l’année suivante. La chanteuse triomphante part ensuite en tournée et se produit à Bobino. Après son succès et ses chansons classées dans les hit-parades, elle part en Italie, sur la terre de ses grands-parents. Ses voyages la conduisent aussi à revenir au Caire, dans sa ville natale. Elle ne reste pas dans sa famille et retourne en France. Dalida y retrouve son amour, Lucien Morisse. Mais le bonheur semble un peu usé. Malgré tout, les amoureux qui tardaient à se dire Oui se marient à Paris, le 8 avril 1961.

Mais leur relation était déjà finie. Partie en tournée après son mariage, Dalida rencontre un nouvel homme. La chanteuse tombe amoureuse de Jean Sobieski. La passion ne lui fait pas perdre de vue sa carrière. Alors que la France se met au yéyé, Dalida est en vedette de l’Olympia, en décembre 1961, avec sa variété. La chanteuse en haut de l’affiche subit la pression des médias qui annoncent la mort de la varieté et de sa représentante. Mais l’enterrement de Dalida n’est pas pour 1961. Pendant un mois, l’Olympia accueille plus de mille spectateurs par soir. Forte de son succès, Dalida reprend les airs pour sa nouvelle tournée.

L’été 62 voit l’arrivée du Le Petit Gonzalès, reprise de Speedy Gonzalez. Avec cette chanson gaie, et aussi rapide que son héros, Dalida charme un public jeune. A cette époque, elle achète sa maison de Montmartre. Divorcée de Lucien Morisse, Dalida finit aussi par rompre avec Jean Sobieski. En 64, toujours plus sexy, toujours plus séduisante, celle que les hommes préfèrent se décolore en blonde. En septembre, confiante, la chanteuse préférée des Français retourne à l’Olympia. En 65, elle chante La danse de Zorba sur la musique de celui qui a composé la B.O. de Zorba le Grec. C’est un nouveau succès. Mais les galas et les enregistrements laissent peu de place à sa vie de femme. Heureusement, son jeune frère, Bruno, venu la rejoindre à Paris, va s’occuper de sa carrière sous le nom d’Orlando, le prénom du deuxième frère de la famille.

En 66, la maison de disques RCA présente à Dalida un auteur compositeur prometteur. Luigi Tenco impressionne Dalida par sa fougue et son tempérament contestataire. Le label décide d’envoyer la chanteuse au Festival de San Remo. Luigi écrit la chanson chargée de remporter le prix. Les rencontres sont nombreuses entre les deux artistes et la passion naît entre eux. En 67, ils se rendent au festival et annoncent à leurs proches leur projet de mariage. Mais la tragédie est en marche. La marche nuptiale prend des airs ensanglantés et Luigi, sous l’effet des tranquillisants et de l’alcool, prend mal la décision du jury. Le prix échappe à Dalida, lui échappe. Se sentant incompris, l’auteur angoissé, torturé, met fin à ses jours. « Ciao Amore » a tout d’un coup l’écho de la destinée. Anéantie, Dalida fait quelques mois plus tard une tentative de suicide.


Luigi Tenco et Dalida
 
LUIGI

TENCO
 

Né à Cassine (Alessandria) le 21/03/1938 Mort à San Remo (Imperia) le 29/01/1967


A la mort de son père, alors qu'il a dix ans il s'installe avec sa mère et son frère aîné à Gènes, ville qui a l'époque connaît une grande activité culturelle. Pendant ses études secondaires, il montre déjà un grand intérêt pour la musique, en particulier le jazz. Il suit des cours de piano et apprend également à jouer de la guitare, de la clarinette et du saxophone.

En 1953, il créé son premier groupe de jazz les Jelly Roll Morton Boys Jazz band, auquel participe également son ami Bruno Lauzi. Par la suite il collaborera à différents autres groupes, dans lesquels il côtoiera Gino PaoIi qui lui aussi deviendra son ami, Umberto Bindi ou Fabrizio De André.

En 1959, il signe un contrat avec Ricordi et enregistre sous différents pseudonymes une série de 45 tours jusqu'en 1961, mais sans véritable succès. En 1962, sort son premier album, Luigi Tenco, contenant certaines de ses plus belles chansons, telles Mi sono innamorato di te ou Quando, mais la plupart des chansons seront censurées par la RAI, parce que choquant par leur façon d'aborder les relations amoureuses ou critiques envers la société. Pourtant les chansons de Tenco ne passent pas inaperçues et sont bien accueillies dans les milieux étudiants et par une certaine critique. Il apparaît comme un chanteur politisé, dérangeant, mais aussi à la sensibilité à fleur de peau.

Il commence à intéresser les milieux de la chanson, ainsi Ornella Vanoni enregistre Mi sono innamorato di te. Mais entre temps l'amitié avec Gino Paoli s'est détruite à cause semble t-il de l'intérêt des deux chanteurs pour une jeune actrice nommée Stefania Sandrelli, qui peu de temps après donnera un fils à Paoli. Luigi Tenco écrit de plus en plus, pour lui et pour d'autres, ainsi Wilma Goich obtient un bon succès avec capito che ti amo en 1964. En 1965, il change de maison de disques et sort son deuxième album qui porte également le nom de Luigi Tenco, plus politique que le précédent, où figurent des chansons comme Ragazzo mio, et Vedrai vedrai. Mais le succès public tarde à arriver et en 1966, Luigi Tenco signe chez RCA et s'installe à Rome. La même année, sort un superbe troisième album, Tenco. Des chansons comme Lontano lontano, Un giorno dopo l'altro, E se ci diranno ou Ciao amore ciao. Il récrit plusieurs fois la chanson consacrée à l'émigration, il se présente au public particulièrement nerveux, mal à l'aise, la chanson est éliminée de la finale. Le lendemain, le 27 janvier 1967, c'est Dalida qui trouvera le corps de Luigi Tenco qui a laissé une lettre expliquant les raisons de son suicide, un acte de protestation, l'impression de ne pas avoir été compris du public italien. En quelques mois l'artiste dérangeant deviendra un véritable mythe, et sa maison de disque s'empressera de sortir deux albums d'inédits, Ti ricorderai di me et Se stasera sono qui, où apparaît dans certaines chansons telles I miei giorni perduti ou Una vita inutile un des thèmes essentiels de l'oeuvre de Tenco, la difficulté de trouver un sens à sa vie. confirment le grand talent de Luigi Tenco. Mais le chiffre des ventes reste très modeste et la RCA le pousse à se présenter au Festival de San Remo, espérant qu'il puisse y obtenir la reconnaissance du grand public. Bien que condamnant ce genre de manifestations il accepte, également encouragé par Dalida, avec qui il est lié sentimentalement et qui interprétera avec lui sa chanson.

Dans les années suivantes sortiront plusieurs autres albums, avec quelques autres chansons inédites. Luigi Tenco restera comme un symbole, un véritable martyr de la chanson d'auteur, et en 1972, Amilcare Rambaldi, fleuriste à San Remo créera le Club Tenco qui depuis lors réunit tous les ans tout ce qui se fait de mieux en Italie et ailleurs dans le domaine de la chanson d'auteur. Luigi Tenco restera avec Gino Paoli, un des initiateurs du grand renouveau de la chanson italienne, un des auteurs qui a su le mieux exprimer un certain malaise existentiel et la difficulté des relations amoureuses.



Luigi Tenco




sources      

la biographie de Dalida
selon ados.fr

le dictionnaire de la chanson italienne
sur le site de l'académie d'Amiens (!)

Publié dans Post hérité

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